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¿ Les 7 mains ¿
30 avril 2009

Le nerf de la guerre ou la guerre des nerfs ?

Stephane_mini
L
e repas a été copieux, et le dessert est à peine terminé que Lucie lance le débat :


« Pour moi, il est hors de question qu'on offre à mon fils des jouets représentant des armes à feu, des épées ou n'importe quel autre objet plus ou moins officiellement ou symboliquement destiné à trucider ses prochains... C'est comme ça qu'on en arrive à des drames comme en Amérique... »

Le café glougloute tranquillement à l'autre bout de la cuisine. Agacé, je tente une vague et maladroite riposte :

« Je ne suis pas persuadé que le fait d'offrir des pistolets aux petits garçons soit beaucoup plus dangereux pour l'humanité que d'offrir des poupées Barbie aux petites filles... »

Bien entendu, je me fais fusiller du regard (ce qui n'est pas très correct de la part d'une farouche ennemie des armes), et mon interlocutrice ne daigne même pas me répondre. Je ne lui en veux pas : ma réplique était au moins aussi bête que sa saillie.

Alors que Lucie poursuit sa conversation avec les autres convives, je m'assoupis et je me laisse aller à rêvasser paisiblement. Je remonte le temps, jusqu'à ces années lointaines où j'étais moi-même enfant. Ah ! En ai-je tué moi, pourtant, des ennemis quand j'étais gamin. Je me revois encore, grognard napoléonien, marchant fièrement au devant des troupes prussiennes ou anglaises alors qu'autour de moi tombaient mes camarades, fauchés par les balles ennemies. Je me revois dans ma tranchée, poilu aux doigts gourds, partageant mon dernier BN avec mes compagnons d’infortune, en attendant que les boches en aient fini avec leurs tirs de barrage. Parfois une de leurs grenades en forme de marteau venait s'échouer à nos pieds (en réalité il s'agissait d'un bout de bois planté dans une motte de terre, mais chut !) et nous avions juste le temps de nous jeter dessus, et de la renvoyer à l'expéditeur avant qu'elle n'explose. Je me revois, archer anglais pendant la bataille de Crécy, avec mon arc bricolé avec un fil à linge, foutre une pâtée sévère à ces lourdauds de chevaliers français empêtrés dans leurs pesantes armures. Et je me revois aussi, gladiateur révolté, me jetant, un glaive dans une main et un couvercle de poubelle dans l'autre, sur des cohortes de légionnaires romains - tous semblables et aux faciès impénétrables - qui voulaient me renvoyer dans mon arène. En ai-je hurlé, au fond du jardin de la maison de mes parents, des Ave Caesar morituri te salutant avant de rendre mon dernier - mais digne - soupir !

Et combien de fois ai-je sauvé tous les enfants de ma classe que des méchants bandits, pour des raisons obscures, venaient prendre en otage ? Alors que même les adultes étaient recroquevillés dans leur coin en tremblant de peur, alors que les maîtres et les maîtresses pleuraient de trouille et que les autres enfants hurlaient de terreur, moi seul je gardais espoir ! Et heureusement que j'étais là pour les désarmer, ces horribles malfrats, et pour les mettre hors d'état de nuire, parce qu'autrement on y serait encore !

Pourtant, malgré tous ces massacres, ces milliers de morts brutales que j'ai virtuellement à mon actif, je n'ai toujours - à ce jour du moins - jamais tué quelqu'un pour « de vrai ». J'ai été objecteur de conscience (c'est-à-dire que j'ai refusé de porter les armes, puisque c'est en ces termes qu'il fallait rédiger sa demande à l'époque). Je n'ai jamais commis le moindre acte de violence envers qui que ce soit. Je déteste les chasseurs, je ne suis pas particulièrement fan des films de guerre. bref : je m'attribuerais assez volontiers le qualificatif de pacifiste...

Alors ? Et bien, je n'en sais rien. Le café a fini de couler et Lucie a embrayé sur la médiocrité des instits qui sont incapables de s'adapter au rythme de l'enfant.

De mon côté, je baille et je regarde ma montre. Encore une ou deux heures à tenir avant de mettre les voiles. À moins que je ne jette une grenade dans la cuisine afin de disperser l'ennemi !

7_vert

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Commentaires
A
...la Barbie-chette... mais celle là, on la tient!
S
La plus dangereuse des Barbies restant bien sûr la Barbie-turique qui ne se prescrit que sur ordonnance !
A
...il serait prudent de prévoir une permission spéciale pour posséder une Barbie de la même manière qu'il faut un port d'arme en bel uniforme pour avoir un flingue chez soi.....avec les Barbie c'est la vulgarité satisfaite qu'on introduit près des enfants, faut faire gaffe....merci Stéphane pour le vrai courage sous jacent à ce billet d'humeur et d'humour...
¿ Les 7 mains ¿
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