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¿ Les 7 mains ¿

29 juin 2009

Ce n'est (sans doute) qu'un au revoir...

Nos 7 mains sont fourbues, elles ont bien travaillé, vingt semaines durant - du moins ont-elles le sentiment du devoir accompli : le temps est venu pour elles de regagner leurs chaumières respectives et d'y recouvrer quelque force et inspiration...

Frise_des_7_mains

Ainsi que nous l'avions conçu au moment de sa création, notre potache entreprise s'arrête là, à l'orée d'un été que nous vous souhaitons donc aussi beau, doux et littéraire que possible.

Lorsque l'idée nous est venue, il faut bien dire que nous ne savions guère où nous allions. Nous ne disposions alors que de notre seule envie collective de proposer un blog un tout petit peu différent, tout entier livré aux imprévus de l'écriture, libre de tout - et presque de toute contrainte. Au fil des jours, l'exercice s'est parfois révélé plus ardu que prévu : la liberté est un personnage fuyant, qui n'aime rien tant que montrer le bout de son nez derrière un nuage, et filer d'un coup dans l'azur.

Mais en plus d'être ardu, l'exercice fut aussi plus exigeant qu'il y paraît : outre qu'il nous fallait bien, chaque semaine, nous remettre à notre petit établi, tenter d'imaginer des suites acceptables à nos petites histoires ou fomenter des pensées qui ne répétassent pas celles de la précédente, l'exigence nous est aussi venue des lecteurs, et de cela nous voulons vous remercier. Il y eut beaucoup de jeu, de part et d'autre, dans cette petite expérience, chose que chaque lecteur a bien compris, au point parfois de nous piquer au vif et de nous pousser dans nos retranchements, meilleur moyen, soit dit en passant, de nous contraindre à une certaine qualité. Que celle-ci ait été inégale, c'est bien possible, et quasi entendu : après tout, nous œuvrons aussi avec nos énergies, nos humeurs, pour ne rien dire de nos faiblesses.

Moyennant quoi, je crois pouvoir dire sans trahir la pensée ou les sentiments d'aucun de mes petits camarades que l'exercice fut profitable à chacun. Et s'il en est quatre qui se retirent aujourd'hui, il est agréable de songer qu'il demeure trois vaillants pour garder la vieille maison : Emmanuelle, Bertrand, Stéphane, nous vous passons le témoin - et sommes déjà très curieux de ce que vous nous concoctez, ici ou ailleurs.

Le blog des 7 mains restera en ligne aussi longtemps que possible : qui sait, certains lecteurs le découvriront-ils plus tard, bien plus tard, perplexes sans doute mais amusés aussi, peut-être, d'y lire des choses qu'aucun d'entre nous sept n'aurait eu l'idée d'écrire ailleurs.

     A la revoyure, c'est certain...

          Pour les 7 mains,

               Marc Villemain

7_vert

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28 juin 2009

Bilan d'incompétence

Jean_claude_mini


- Quand je regarde vos chiffres, j’ai des doutes. Peut-être n'étiez-vous pas fait pour ce projet.

- Le dimanche n’était pas un jour facile.

- Certes, la messe vous a fait du tort.

- Télé Foot aussi.

- Pourtant, avec le printemps pourri qui fut le nôtre, j’espérais une remontée de la fréquentation sur les fins de semaine. Mais non, rien, vous êtes resté bien en dessous de vos collègues. Tenez, regardez ce tableau.

- Quel tableau ?

- La Nef des fous.

- Jérôme Bosch… Je n’aime pas l’école allemande.

- Je vous parle du tableau des chiffres de fréquentation des Sept mains. Regardez les chiffres de vos collègues. Regardez les vôtres.

- C’est sûr, mes chiffres ne sont pas brillants. Mais que pouvais-je faire ? Écrire des textes sur Britney Spears ou Paris Hilton ? Placer « fellation », « petite culotte » et « sex tape » toutes les trois phrases pour attirer les internautes ?

- Ne soyez pas de mauvaise foi. Vos collègues n’ont rien fait de cela. Certes Claire a parfois parlé de ses fesses…

- Si seulement ma mère avait accès à Internet, j’aurais pu mieux faire. Mais elle ne comprend rien à l’informatique. Elle a encore un Minitel, c’est pour vous dire. Vous noterez cependant que ma sœur est venue chaque semaine. Vous savez si les autres ont une grande famille ? Cela pourrait tout expliquer.

- Ne vous enfoncez pas. Dites, pour votre gouverne, Bosch n’est pas allemand.

- Je sais, et je n’ai rien contre l’école allemande d’ailleurs. J’avais même un poster de Franz Beckenbauer dans ma chambre quand j’étais petit, et je me laisse parfois absorber par un épisode de l’inspecteur Derrick. Je disais ça pour vous taquiner.

- Alors si vous appréciez la culture allemande, peut-être accepteriez-vous de m’accompagner à un concert de hard rock allemand ?

- Hard-rock ? Allemand ? Dans la même phrase… Vous me posez une colle ? Ne me dites rien, je sais que c’est une figure de style, je l’ai sur le bout de la langue…

- Rammstein.

- Ha, ben non, celle-là, je ne la connaissais pas.

- Non, Rammstein, c’est le nom du groupe de hard-rock allemand.

- Ha, et c’est comment ?

- Comme du Wagner mais à la guitare électrique.

- Le genre de musique qui peut donner envie d’envahir la Pologne... Ça ne va pas plaire à Redonnet.

- Oui, vous avez raison. Je crois qu’il vaut mieux en rester là.


7_vert

27 juin 2009

Jour 27

Claire_mini
A
lors la noyade m’a semblé un bon remède pour aller vers vous. Je n’ai rien supposé. J’y suis allé. Alors j’avance, j’avance vers l’île en goguette. Au moins celle-ci semble m’accueillir en roi de la fête en reine des bigoudis. Je vous le dis je n’ai rien à croire rien à prouver mais il faut savoir un moment mettre un terme de tous côtés. Au moins jusque là je prends l’eau et je reste étanche.
Le goéland s’approche et me dit « Alors ça avance ? » Je lui dis « Ma mer ou mes pas de danse ? » Il me dit « Jusqu’au bout la mer descend, tu fais du sur-place un point c’est tout. » Je suis reparti la queue entre les jambes.
Je me suis répartie. Disparue. Dégagée.
Un minet. Une minette. Une lichette. Un lichet. Un pichet. Une pichette. Une fesse. Un fessier. Le rai. La raie.
Après tout qui le sait. À la prochaine marée, j’en parle à mon goéland et à ma goélette.

7_vert

26 juin 2009

Chroniques d'un super-héros, 19

Fabrice_mini
B
ref. Les choses évoluent par elles-mêmes. On se retrouve isolé, à l’écart du groupe : il faut bien continuer, pas d’autre choix. Le Manteau structure votre vie. « Je suis musicien », dites-vous avec un brin de supériorité. Vous êtes membre d’une aristocratie, d’une confrérie qui scelle un pacte, vous donne une personnalité. Ce Manteau vous habille au sens propre et figuré : il détermine vos paroles et votre garde-robe. Vous évoluerez de clan en clan, de déguisement en déguisement – punk, mod, métal, new wave, le catalogue est infini. Des puces de Montreuil en passant par les Halles, vous dessinez un parcours. Social. Géographique. Artistique. Ce chemin vestimentaire a son acmé. Un beau jour de printemps, l’année de votre majorité, vous poussez la porte d’un tailleur (une boutique du deuxième arrondissement). Vous n’y allez pas par quatre chemins : vous venez pour un costume haut de gamme, sur mesure. L’habit en question – un costume italien trois boutons, pantalon en tuyau de poêle –, aura deux conséquences.
1) Il transforme la vie en épisode d’Amicalement vôtre.
2) Il boucle la boucle, scelle le destin de Patrick avec celui d’Akaki.

     Fin de la première partie des Chroniques d’un super-héros.

7_vert

26 juin 2009

Fabrice Lardreau : Nord Absolu

R_clame

Nord_Abs

Un pays du nord de l’Europe, quelque part au-delà du cercle polaire. Deux êtres gravitent dans la capitale, Medisën, ville entourée d’eau.
Paul Janüs, journaliste, suit le second tour d’une campagne présidentielle à l’issue de laquelle un tyran populiste, Stalitlën, pourrait être élu. Il s’interroge, remet en cause une vie mensongère et découvre sa part d’ombre.
Philip Niels, héros de la nation, mène l’enquête sur son voisin, Charles Ringsen, mystérieusement disparu. Des banlieues nord de la capitale aux grandes étendues nordiques, il explore un pays asservi par une dictature où la communauté Norda, issue d’une ancienne colonie, la République du Nord, est mise au ban de la société. Sous le regard bienveillant des citoyens, l’État promeut pureté ethnique et écologie radicale.
Quels liens entretiennent Paul Janüs et Philip Niels ? Pour se faire élire, Stalitlën a-t-il commis l’attentat nucléaire de Vaïbos ?
Roman sur le post colonialisme, l’hyperterrorisme, la montée de la xénophobie dans les pays occidentaux, Nord absolu est aussi le portrait d’êtres fuyants, en quête d’une impossible rédemption.

Nord Absolu - Le nouveau roman de Fabrice Lardreau

Editions Belfond - En librairie le 13 août 2009

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25 juin 2009

Où il sera question des vertus laxatives de la contemplation...

Stephane_mini
Q
uand je songe à tout ce temps que je perds à écrire, moi qui suis intimement persuadé qu’il n’y a pas de plus bête moyen de gâcher son temps ; ce temps que l’on pourrait passer à contempler la nature, à s’enivrer du parfum des fleurs, du chant de la pluie qui claque sur le bitume, des crépitements arrogants et mélodieux du minuscule troglodyte à la cime du cerisier...

Mais tout le tragique est là : le contemplatif ne sait pas se taire. Cela peut faire notre bonheur (quand il s’agit de type comme Thoreau ou Powys ou, plus proche de nous, Christian Bobin - que je ne peux pas m'empêcher d'admirer malgré sa désespérante bondieuserie), mais aussi notre plus grande peine quand il s’agit d’un simple quidam comme moi qui n’a même pas l’excuse d’être génial.

D’où vient ce besoin de retraduire en mots des sensations qui auraient dû se suffire à elles-mêmes ? Pour le plaisir de revivre, voire de transcender, le bonheur des heures perdues ? Pour pouvoir partager avec autrui la plénitude de nos émotions ?... Peut-être, mais je me méfie de telles explications trop idéalement romantiques. On accorde beaucoup trop de crédit aux artistes en général et aux écrivains et autres poètes en particulier : ce ne sont que de pauvres types qui, dans leur grande majorité, ne créent pas parce qu’ils ont quelque chose à dire, mais parce qu’il ne savent pas fermer leurs gueules ! Ce sont des gamins qui ont peur du noir et qui se racontent des histoires à voix haute pour se donner du courage. Ils ne supportent pas le vide. Ils ne supportent pas l’idée que le temps passe et que ce qui est fait est fait, que ce qui est révolu est révolu, irrémédiablement. Non, il faut toujours qu’ils reviennent en arrière, qu’ils répètent invariablement les mêmes gestes, qu’ils reproduisent toujours les mêmes émotions, les mêmes sensations pour se rassurer, histoire de vérifier qu’ils sont encore vivants.

L’artiste est un triste sire qui crée parce qu’il est infoutu de vivre. Ce n’est pas condamnable en soi. Ce qui l’est c’est de vouloir faire croire aux autres que cette incapacité à vivre n’est pas la marque d’un handicap, d’une pathologie mais au contraire un signe de génie, de supériorité et de noblesse.

L’artiste est un être vil et lâche, qui corrompt tout ce qu’il touche comme l’écrivait très explicitement Ologue le Cynique (qui comme son nom ne l’indique pas était un collaborateur du journal L’anarchie dans les années 1900) : « De même que nous absorbons des aliments sains et appétissants et que nous en expulsons le superflu après quelques opérations chimiques, de même nous nous emplissons le cœur de la splendeur du monde et nous excrémentons cette splendeur sous forme d’œuvre d’art. »

CQFD !

7_vert

Et je profite de cette ultime note pour dire un grand merci à celles et ceux qui ont eu la gentillesse de nous lire tout au long de ces dernières semaines. A bientôt pour de nouvelles aventures !

24 juin 2009

Figures hostiles

Emmanuelle_mini
« Ma pauvre Caroline, vous êtes d’un banal ! » clame Patricia en feignant d’étouffer un rire de gorge qui lui fait mal mais qu’elle prolonge exprès pour signifier à sa subordonnée combien elle peut se gausser de ses préférences, affichées ou non.

Un mauvais rire peut en effet être douloureux, y compris pour celui qui l’entend. Il y a une sorte de profondeur dans cette phrase – la vôtre – à bien y regarder. Mais ne crions pas victoire, nous en sommes encore bien loin, si loin qu’on ne distingue pas encore son faciès ricanant. Car toujours elle nous nargue, la victoire, sachez-le. Ignorez-la pour le moment, faites comme si de rien n’était, et dites-m’en plus en attendant. Car je m’interroge, figurez-vous, et j’ose croire que le lecteur en fera tout autant, tapi derrière ses petites pages imprimées en gros caractères, c’est la mode. Cette phrase, outre le sens qui s’y esquisse, me semble moins simpliste qu’il y paraît d’abord, et dénote une complexité psychologique inattendue chez votre héroïne Patricia qui, je le rappelle, est partie de très bas et n’en a guère décollé depuis. Si l’on se risque à l’analyse, la situation perd en simplicité et les apparences, qui n’en sont pas forcément, deviennent aussi peu trompeuses que si elles en étaient. Voyez-vous où je veux en venir ? Naturellement, non, et c’est aussi bien ainsi. Rassurez-vous et vos lecteurs, je ne me risquerai pas à expliquer ma position, elle est par trop acrobatique et j’ai remarqué plus d’une fois à quel point vous manquiez de souplesse. Passons alors à autre chose. À la suite, par exemple, et quelle qu’elle soit. Mais tâchez, vous, d’être plus clair, car j’aimerais savoir à quoi m’en tenir.

« Banale, sans doute, mais exigeante. Je veux être satisfaite, et tout le reste est littérature. »


Et caricature. Tout le reste est caricature. Vous exagérez, une fois de plus, vos vilains travers vous poursuivent, vous rattrapent et vous plaquent au sol. Soyez gentil : ne sacrifiez pas systématiquement à l’expression facile ! Vous ne trouvez pas qu’on en soupe assez, du cliché et de ses avatars ? On nous en sert quotidiennement, du déjà dit, déjà écrit, et par d’autres que nous. Vous aurez beau placer ces belles phrases dans de nouveaux contextes, elles ne nous procureront jamais autant de plaisir que la première fois, celle où elles sont vierges et nous pionniers, buvards jusqu’à plus soif, celle où l’on avale tout parce que tout a bon goût, ne riez pas c’est vrai. Et n’allez pas prétendre que vos premières fois n’étaient pas meilleures que toutes les suivantes, le réchauffé n’a jamais fait frémir personne ; vous, vous diriez bander, constatez que je n’ai pas peur des mots, c’est juste une question de retenue, en avoir ou pas, telle est la question, et je vous la poserai bien souvent.

Patricia soupire comme une locomotive en fin de vie, et considère sa secrétaire d’un œil dont on ne saurait dire s’il est noir ou tout simplement triste. Elle prépare un discours qu’elle voudrait avoir le courage de servir à sa secrétaire sans que celle-ci, par la seule ironie de son regard, le rende emprunté ou futile, ou les deux à la fois. Patricia, pourtant, se sent le devoir de signaler à sa subordonnée combien elle a changé, ces derniers temps. Son attitude n’est plus la même, ses écarts de conduite se multiplient, elle prend des libertés avec les convenances. Voilà, c’est dit. Voix tremblante et tempes moites, Patricia s’est lancée.
« Je ne comprends pas, Madame. » Le visage de la secrétaire est celui d’une enfant, un masque touchant d’innocence derrière lequel, cependant, l’on devine la malice, une sorte de perversité, je n’ose dire perversion.

Alors ne le dites pas. Si perversion il y a, c’est dans ce passage abrupt à la première personne, un brusque coup de volant dans le récit, vous me donnez la nausée. Jusque là, vous vous étiez très bien passé du je, ce hiatus est surprenant et indigeste. Car enfin, c’est bien un roman, que vous écrivez, à la troisième personne, avec le point de vue maintenant bien ancré du narrateur omniscient ? Vous confirmez ? Alors prenez garde de ne pas basculer vous aussi du côté sombre de la narration, n’y impliquez pas votre personne. Dès qu’un romancier dit je, le pathos rôde, malsain, ventousé sous l’ego, et d’histoire il n’est plus question, voilà encore le lecteur bafoué, on ne cesse de lui en faire voir, à celui-là, le malheureux ! Ceux qui se sont risqués au jeu du je sans avoir à s’en repentir avaient de leur vivant une envergure autrement plus imposante que la vôtre. À présent qu’ils sont morts, ils ont une stature, ça n’est pas donné à tout le monde, surtout à titre posthume… Vous voilà ironique, vous réfutez ma position selon laquelle on ne peut être vivant et écrire je impunément. Vous bouillonnez de noms, vous êtes prêts à me servir des dizaines d’exemples d’écrivains pratiquant la chose en ce moment même. N’agitez pas ainsi votre crayon, il a peu servi et la pointe en est encore aiguisée, vous risquez de vous le planter dans l’œil. Vous auriez bonne mine. Le jeu de mots, c’est cadeau.

7_vert

23 juin 2009

Critique en herbe

Bertrand_mini
Indiscrète, surtout impatiente parce qu’elle veut que je lui cède le clavier, elle lit à voix haute par-dessus mon épaule :

« Les trois hommes allaient le dos courbé, la tête baissée pour éviter les cruels éperons du blizzard qui soulevait autour d’eux des nuages de neige et de givre, une main obstinément enfoncée dans la poche d’une lourde pelisse, l’autre solidement refermée  sous la gorge et serrant au plus près de leur cou la laine épaisse des écharpes, la démarche incertaine, mal aisée et les yeux exténués, rougis par le froid, vidés par le désespoir de ne plus voir depuis des jours et des jours que cette étendue immense, blanche, muette,  sans âme, sans mouvement et sans horizon que déroulait devant eux  la steppe. »
Tu fais des phrases trop longues.
Comment ça, trop longues ?
On peut pas les lire parce qu’on peut pas dire tant de mots sans respirer.
On peut lire tout bas.
Oui, mais c’est fait aussi pour lire tout haut. Dans Zozo, tu faisais des phrases courtes.
Et alors ?
Si tu veux trouver un éditeur et vendre des livres, il faut mettre plus de points. Soigner ta langue.

Ce que j’aime chez les enfants, c’est que, même avec des raisonnements faux et des motivations non avouées, ils arrivent à des conclusions vraies.
Tout le contraire des philosophes.

7_vert

Ce petit texte sera donc ma dernière contribution aux Sept mains.

A la rentrée, Marc, Claire, Jean-Claude et Fabrice jettent en effet l’éponge, appelés sur d’autres priorités que nous leur souhaitons de tout cœur pleines de plaisir et de réussite.
Qu’ils soient ici remerciés de ces textes publiés depuis 18 semaines.
Merci particulièrement appuyé à Marc qui eut l’initiative de ce cahier d’écriture, qui nous réunit et nous motiva autour de son projet et qui assura sans faille toute l’administration du blog.

Pour les trois autres mains restantes - Emmanuelle, Stéphane et moi-même -  la question s’est alors posée de savoir si nous continuions l’aventure à trois mains seulement.
Si oui, quelle formule ?
D’ores et déjà, plus de Sept mains, ça tombe sous le sens, dans la forêt aux sept sentiers d’écriture.
Nous nous sommes alors livrés à un premier échange de propositions qui, si elles ne sont pas encore totalement abouties, donneraient à peu près le canevas suivant.
Un blog collectif à quatre mains – Appel est donc lancé ici même pour découvrir un ou une quatrième complice.
Pas de publication samedi et dimanche. Lundi, mardi, mercredi et jeudi.
Chaque vendredi serait alors réservé à un ou une invité(e), écrivain, artiste, visiteur(euse) ou tout ça à la fois. Le vendredi à qui veut prendre le micro.
Si le cœur vous en dit…
Comment appeler ce blog collectif ? Stéphane donne la piste de «  L’auberge espagnole », quelque chose d’approximatif, de convivial et d’amical.
La rénovation intégrale des locaux est prévue, avec illustrations, photos, à la discrétion des auteurs ou des invités(es).
Voilà.
Affaire à suivre, donc…
Cordialement à tous et à toutes
Bertrand

7_rouge_vif

22 juin 2009

La dernière lettre

Marc_mini
Géraldine Bouvier

Éditions Dès demain - Paris 6ème

Paris, ce lundi 22 juin 2009

Je ne pensais pas devoir un jour quelque chose à Armelle Nauton. Finalement je lui devrai l'essentiel : la vérité. Et je me moque qu'elle ait joui de me l'apprendre : le fait est que je lui dois de m'avoir ouvert les yeux. C'est elle qui m'a donné l'adresse de ce blog au nom ridicule : Les 7 mains. Où j'ai donc découvert mes propres mots, mes mots à moi, ceux que je vous avais destinés dans le secret de l'intime, et que j'ai relus ici, le cœur noué, noyé dans les larmes. Vous m'avez meurtrie comme vous ne pourrez jamais l'imaginer, car il faudrait pour cela, pour avoir une vague idée de ce que signifie une telle blessure, posséder une once de conscience, avoir en tout cas un peu plus et surtout un peu mieux qu'une belle âme à offrir à un public de cyniques et de complaisants. Je ne parle donc pas de cette élégance étudiée que vous portez en bandoulière comme d'autres jettent ostensiblement une pièce d'or aux pauvres dans la rue, je ne parle pas de ces signes extérieurs de savoir-vivre dont vous vous affublez dans les pince-fesses, mais d'une certaine élégance d'âme et de cœur qui vous fera donc toujours défaut.

J'ai été ridiculisée par un homme qui disait m'aimer et à qui je me promettais. Ridiculisée même par vos lecteurs, qui ont pris leur part et davantage encore à cette petite plaisanterie et qui, dix-huit semaines durant, se sont plu, chaque lundi, à la commenter. Avez-vous idée de ce que ce ridicule me coûte dans ma profession ? savez-vous qu'on s'en repaît déjà dans tout Paris ? qu'on me regarde avec un air de charité dégoûtée dès que je passe les portes du Flore ? que je ne croise plus sur mon chemin que condescendance et railleries ? que des écrivains, et pas des moindres, et souvent meilleurs que vous, semblent honteux de confesser qu'ils m'ont pour éditrice ?

Vous ne valez pas mieux que n'importe quel petit cuistre de n'importe quel petit salon bourgeois. Je veux pouvoir vous dire, dussé-je en souffrir, que vous n'êtes qu'un porc ; que vous donnez le pire exemple qui soit d'un homme qui se serait défait de toute civilité et de toute conscience morale. Pourquoi avez-vous joué cette comédie de l'amour, Marc ? quel sombre plaisir avez-vous cherché à débusquer en vous jouant de moi ? en faisant mine d'exister, de retrouver la vie avec moi ? en m'abaissant de la sorte ? comment avez-vous pu publier le plus inviolable de notre correspondance sur le premier blog venu ? comment avez-vous pu trahir ce que nous avions de plus intime, nos retrouvailles, notre passion, nos mots d'amour, mes faiblesses et mes petits travers ? qui vous a autorisé à jeter mes lettres en pâture sur Internet ? qu'est-ce qui vous a rendu à ce point machiste pour élaborer ce piège ? assez imbécile pour croire que je ne l'apprendrais pas ? Vous avez mis les rieurs de votre côté : chapeau bas. Un vrai comique troupier. Mais vous avez confondu la littérature et la vie - qui plus est en me faisant passer pour une conne. Or c'est la vie qui vous rattrape. Aussi je ne veux plus entendre parler de vous, ni comme homme, ni comme auteur. Consolez-vous en songeant que vous ne me trouverez plus jamais sur votre route : la femme apprendra bien à vous oublier, et l'éditrice s'en passe déjà très bien.

Entendez qu'aucun désir de vengeance ne m'anime : on ne se venge que d'un rival digne d'estime. Au mieux peut-on espérer se venger d'une colère, certainement pas du chagrin. Ne faites pas de mes mots des témoins ou des passeurs de ressentiment : ils sont tout entiers ceux de la tristesse, de l'accablement et de la douleur. Douleur d'avoir été trahie, certes, mais cela n'est pas grave, ou de moindre mal : la vraie  douleur, c'est celle d'avoir aimé comme personne un être aussi peu digne d'amour et de devoir apprendre à le désaimer ; c'est de devoir apprendre à oublier totalement, radicalement, celui-là même que j'avais pris pour un double ; d'avoir à me défaire du seul humain auprès de qui, et alors que j'aurai bientôt cinquante ans, j'avais appris à m'abandonner. Et de cette douleur on ne guérit pas : on peut peut-être ressusciter ce qui est mort, pas reconstituer ce qui a été tué.

Le temps qui vient, les minutes, les années, sera donc celui du silence. Un silence que j'apprendrai à habiter seule et que je ferai battre à l'unisson d'un cœur jeté dans l'abîme. Je suis et demeurerai inconsolable, Marc. Pas de vous, mais de ce cœur apaisé, serein, heureux, empli d'une confiance où j'allais aussi puiser mon énergie à vivre. Je n'ai pas tous les talents, Marc, ni toutes les vertus. J'ai mes faiblesses, mes limites, ma bêtise propre (vous vous en êtes suffisamment amusé), mais j'ai la passion des choses vraies, et je n'admire rien davantage qu'une intelligence qui ne se paye pas de mots. La vôtre aura donc eu besoin des miens pour amuser la galerie : donc acte. Je n'ai à cela rien à redire, ni à opposer. Seulement l'affliction et le dénuement d'une femme que vous aurez violentée avec ce genre d'aplomb que seule confère l'assurance inavouée de votre très mâle supériorité. J'étais biche, vous étiez guépard : votre règne ne vaut pas mieux que celui des animaux. Restent l'affliction et le dénuement, oui, et le silence, ce silence meurtri qui nous suivra tous deux dès lors que j'aurai posé à cette lettre d'amour humilié son point final.

7_vert

21 juin 2009

Virage, 10

Jean_claude_mini
E
ric s’est levé tôt ce matin. Tout le monde dort encore. Les travaux de force se font toujours le matin, à la fraiche, s’était-il dit la veille en s’endormant. Camille et lui avaient discuté longuement, de leur couple bien sûr, de la vie en général, de ce qu’ils ne savaient pas l’un de l’autre malgré toutes les années partagées. Camille lui avait raconté encore une fois l’épisode de ses dix-huit ans et l’affection de son père après la mort de l’oncle. Eric s’était dit un instant qu’il pouvait lui dire la vérité, et puis finalement non.

Il n’est pas sept heures quand il commence à couper les longues feuilles du plumeau. Il progresse doucement dans la masse de verdure. Il se blesse parfois légèrement sur les bords coupant du feuillage, s’abîme les mains en tentant d’arracher les tiges mortes mais chargées d’humidité. Il n’a pas trouvé de gants de jardinage dans l’atelier du père de Camille mais il s’est mis au travail sans attendre ; il veut faire une surprise à sa femme et à sa belle-mère.

Camille pénètre dans la cuisine. Elle est encore engourdie de sommeil. Elle prépare du thé, se dirige vers la fenêtre en attendant que l’infusion se fasse. Elle aperçoit Eric penché dans le plumeau. Elle sourit. Lui qui n’est pas capable de planter un clou sans se taper sur les doigts, se dit-elle, le voilà qui s’attaque à des travaux d’homme. Elle le voit qui se redresse, il tire avec difficulté un objet qui semble coincé dans les feuillages.

Quand Eric ouvre la porte, Camille est en train de se servir une tasse de thé. Elle n’a pas vu arriver son mari. Il transpire malgré la fraîcheur matinale. Il est couvert de débris de feuilles et de poussière. Planté sur le seuil, il regarde Camille. Le monde semble s’être écroulé sur ses épaules. Avec difficulté, il lui dit qu’il faut qu’ils parlent. Il doit prendre le risque de lui révéler toute l’histoire. Dans ses mains, il tient une vieille roue pleine de terre, au pneu dégonflé.

FIN

7_vert

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