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¿ Les 7 mains ¿
1 avril 2009

Tentative de résolution d'une équation à deux inconnues

Emmanuelle_mini
N
on ? Vous insistez ? Vous préférez continuer, en dépit de mon influence, ou peut-être à cause d’elle ? Je vois. Il faut croire que votre créature, si imparfaite soit-elle, vous colle à la peau. Ne niez pas : pendant que je feignais de réfléchir à un avenir possible pour notre collaboration toute neuve et déjà avortée, vous avez, à plusieurs reprises, cerclé de rouge le nom de Patricia. Vous mettez autour d’elle ce genre de collier très cher et très serré dont on ne réchappe pas, et pourtant elle n’a rien d’attachant, convenez-en. Offrez-vous, si vous y tenez, le luxe de la travailler un peu, mais veillez surtout à garder entre elle et vous une distance minimale de sécurité : au point où nous en sommes, vous ne gagnerez rien à vous investir dans cette femme, il est inutile qu’on y trouve trop de vous. Sans vous le reprocher ouvertement, on pourrait en tirer des conclusions qui n’ont pas lieu de s’imposer : la critique littéraire s’assortit en effet bien souvent d’une psychanalyse bon marché, surtout quand la matière du texte est si pauvre qu’elle n’offre pas l’échappatoire du dithyrambe. À votre place, pour être franche, je ne serais pas allée plus loin que ces quelques paragraphes façonnés bon an mal an dans l’urgence du défi à relever. Vous voulez écrire un roman, soit. Mais cela ne s’improvise pas. Caroline, Patricia, un bureau et son annexe, cela ne suffit pas à construire une histoire, à faire de vous un auteur. Réfléchissez à autre chose, inventez une trame, trouvez d’autres pimbêches mieux armées pour la fiction.
Vous êtes obtus, décidément. Têtu, affirmez-vous fièrement. Votre attitude va au-delà des mots, et pour cette raison j’accepte de vous accompagner un peu : poursuivez dans cette voie, si vous y tenez tant. Et gardez Patricia, je veux bien vous aider à la dégrossir un peu. Accordez-moi seulement de guider très précisément votre main jusque dans les plus sombres recoins de Madame la directrice générale, et de contribuer à exposer ses résonances intimes. La tâche sera difficile, nous partons de très bas, et puis vous vous complaisez à attarder votre crayon sous la ceinture de vos héroïnes, quand elles en portent. C’est une manie dont il faudra vous défaire. Mais si, relisez-vous : il n’y a qu’à voir dans quelle absurde position vous avez abandonné Patricia au chapitre précédent : la voix de rogomme suspendue dans l’atmosphère climatisée de son bureau, ordonnant qu’on fasse au plus vite le point sur le dossier Chal…Elle n’a même pas achevé sa phrase, vous étiez trop pressé ou bien embarrassé, peut-être, par vos propres débordements : l’échancrure exagérée du col tailleur de son élégant chemisier, la jupe sombre relevée à mi-cuisse et, au-dessus, le vide. Vous avez bâclé cette femme, était-ce par crainte de mal faire juste après en avoir trop fait ? Vous vous êtes réfréné quand il aurait fallu tailler dans le réel, faire courir le crayon comme un scalpel sous la peau, fût-elle couperosée ; disséquer les chairs encore vives et remonter, surtout, remonter jusqu’au cerveau. C’est une règle d’or, appliquez-la sans restriction : il ne faut jamais rester à la surface.

7_vert

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Commentaires
M
... et par un discours d'une seule tirade, entraîner la reddition pantelante !
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