Géraldine Bouvier
Éditions Dès demain – Paris 6ème

Paris, ce lundi 8 juin 2009

Je vous écris brièvement, mon petit lionceau, pour vous donner quelques nouvelles très fraîches.

D'abord, ce matin, j'ai croisé Guillaume Museau qui faisait ses emplettes à la Fnac. Eh bien je peux vous dire qu'il a toujours sa gueule de chargé de TD à la corpo de droit. Je sais bien que les écrivains n'ont pas de faciès-type, mais quand même... Enfin, comme me le confiait plaisamment son éditeur : que serais-je sans lui ?! Tout ça pour dire qu'il semblait très content de voir son dernier bouquin aussi bien et goulûment placé et empilé sur les tables, alors que le vôtre était déjà relégué sur les étagères du dessous. Bref, vous me connaissez, j'ai pris les vôtres, j'ai déblayé le terrain, et j'en ai fait une pile à peu près comparable que j'ai placée juste à côté de la sienne. Voyant cela, il s'est radiné avec son groin de boxeur et sa dégaine de notaire, et un charmant dialogue s'en est suivi : Pas certain que ça suffise à le faire vendre, qu'il me dit, goguenard. Alors moi, évidemment, je lui réponds du tac au tac : dans ce cas, si c'est du pareil au même, je vous propose de faire l'échange : je range votre pile bien cachée au fond de l'étagère du dessous, et je mets les Villemain à votre place, ça vous va ? Vous auriez vu sa tête !

Autre chose. Je suis désolée de vous l'apprendre, mais vous ne figurez pas dans la pré-sélection du prix des Trois-Mégots. C'est assez rageant : le juré sur lequel je comptais, et qui d'ailleurs m'avait assurée que sa voix suffirait à vous y faire entrer, a simplement oublié de se rendre à la réunion du comité de sélection : il était à Roland-Garros... ! Ils s'étonneront ensuite qu'on ne les prenne pas au sérieux.

Ah, j'allais oublier... Je me suis laissé dire qu'Armelle Nauton, votre ex-grue, comptait vous régler votre compte dans Le Monde. Elle s'en serait ouverte lors d'un dîner chez nos "amis" les Naullard. Vous imaginez bien que la Naullarde s'est empressée de m'appeler pour me raconter tout ça par le menu. Ainsi votre petite fiancée éconduite aurait obtenu une page entière pour faire votre portrait et vous étriller, ressortant de vieilles histoires de manipulations de jurys littéraires et de légèreté fiscale. Elle se serait aussi mise en tête de prouver que vous n'avez pas écrit vous-même votre dernier livre - c'est elle qui dit ça ! Enfin, à ce que m'en a rapporté l'émoustillée Naullarde, elle serait allée jusqu'à évoquer avec force détails vos déficiences intimes... Ce que je conteste officiellement et avec la dernière force ! Enfin que cela ne vous affecte pas trop, ce n'est qu'une grosse bourrique qui n'a l'oreille de personne.

Mais tout n'est pas mauvais, rassurez-vous - je gardais le meilleur pour la fin. Il se trouve que j'ai déjeuné ce midi avec l'agent de Houellebecq (que je connais un peu depuis qu'il m'a piqué deux auteurs...). J'étais donc un peu méfiante, mais j'avoue qu'il a été charmant et a eu tôt fait de me désarmer. Bref, Houellebecq a beaucoup aimé votre dernier livre, au point de confier avoir envie d'en faire l'adaptation pour le cinéma. Bon, d'accord, on ne peut pas dire que la profession lui tende les bras, ni que son film ait fait un tabac... Mais vous imaginez un peu le buzz ?! Nous devons absolument y réfléchir, tous les deux, sereinement.

Dites, mon petit lionceau, et si on annulait cet horrible cocktail, jeudi soir ? Si vous veniez plutôt chez moi... ? Je vous gâterai, comptez sur moi, je vous ferai tout ce que vous aimez - tout ce que vous aimez manger, coquin !

Je vous embrasse, je vous serre contre moi.

Géraldine

Lettre 17

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