Écrivain toi-même ! #2
« Nous autres, les écrivains... » m’expliquait-il... J’étais piégé. Il avait réussi à faire éditer un fin recueil de poèmes chez un obscur éditeur de troisième catégorie et maintenant qu’il m’avait mis le grappin dessus, il ne me lâchait plus... Autour de nous, les badauds vaquaient, au gré des stands du salon du livre. Mais lui, il me tenait : « Nous autres, les écrivains... » répétait-il...
Écrivain ! À partir de quand peut-on estimer qu’on est un écrivain ? Faut-il forcément avoir publié un livre ? Chez un grand éditeur parisien ? Chez un petit éditeur de province ? Et un livre de quoi ? Des poèmes ? Des nouvelles ? Des recettes de cuisine ? Un roman ? Un essai ?
Écrivain… Parce qu’un plombier, à la limite, je vois bien ce que c’est... un électricien aussi, un pompier, un boulanger, pas de problème, leurs compétences, validées par des diplômes, sont facilement vérifiables à l’instar de celles du maçon que l’on reconnaît toujours au pied de son mur... mais un écrivain ?
Au moins chez les philosophes, on peut distinguer les officiels (les encartés à l’université), des dilettantes et autres amateurs. Mais écrivain ! Il n’existe pas de diplôme d’écrivain, pas de CAP d’écrivain ! Alors ?
Tenir un blog ou un journal, cela peut-il suffire ? Garder dans son grenier – ou dans sa cave – une malle remplie de manuscrits inédits ? Placer régulièrement des articles dans des revues ? Est-ce que cela compte ? Celui qui a écrit vingt livres est-il plus écrivain que celui qui n’en a écrit que dix ? Quel drôle de casse-tête !
Et pendant ce temps là, mon poète local continuait à vanter ses mérites et à autoproclamer son génie littéraire : « car moi, en tant qu’écrivain, voyez-vous... »
Écrivain... Il faut quand même en tenir une sacrée couche pour oser s’affubler d’un tel qualificatif !