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¿ Les 7 mains ¿
7 avril 2009

Quiproquo météo

Bertrand_mini
I
nconsolable, qu’il était Stanisłas, quand je lui ai raconté que j’avais constaté
 de visu que ses deux nigauds de flics communistes du pont  Poniatowski étaient tout ébaubis avec juste raison : jetés dans l’eau, les pavés carrés faisaient  bien des ronds !
Et lui, qui les avait pris pour des demeurés ! Ah, il s’en voulait, il s’en voulait, le père Stanisłas !  Même plus de trente ans après, il ne se le pardonnait pas !  Comme quoi, avait-il conclu en hochant la tête à la manière de quelqu’un qui vient de découvrir une évidence définitive, faudrait toujours vérifier avant de moquer qui que ce soit !
Moi, le voyant embêté comme ça, je lui disais que ça n’était pas grave du tout ! Que de toute façon, les pavés dans la Vistule eussent-ils produit des triangles, des losanges et même des pyramides, les flics n’en restaient pas moins d’indécrottables jocrisses.  Par principe. Par postulat.
Il a froncé les sourcils, mon vieux voisin, il a bu une gorgée de thé, il a semblé réfléchir un moment et il s’est mis à rire, d’un petit rire chevrotant, du bout des lèvres, mais d’un de ces rires auxquels participe tout le corps, en tressautant, en se trémoussant légèrement et avec les yeux qui disent des choses gaies.
C’est sûr ! Ah, tu as bien raison ! Ils sont comme les Russes, les flics !
Là, j’ai voulu faire diversion et je lui ai offert un morceau de gâteau. Du gâteau aux graines de pavot. Les Polonais, et plus généralement les autochtones de l’Europe centrale, adorent ça. Moi, un peu moins.
Stanisłas s’est penché en  avant, il a délicatement pris la part de gâteau dans une main aux lourdes veines bleutées et en a détaché un bout de l’autre main, avant de le tremper dans son thé, le maintenant ainsi jusqu’à ce qu’il en soit bien imbibé.
C’est très bon, a t-il dit, et je te certifie que les Russes sont des sots. J’en ai fait maintes fois l’expérience. Tiens, dans les années soixante, j’étais de garde avec un brave type sur la frontière russo-finlandaise.  Sergueï qu’il s’appelait. Un gars du Caucase.
Merde, que je me suis dit ! Il va me resservir pour la troisième fois son histoire de partage d’un billet de cent roubles, histoire que je vous ai moi-même retransmise ici et de laquelle je vous ai donné preuve de sa véracité. Pauvre vieux, il radote un peu… C’est ennuyeux, quand même… J’ai allumé une cigarette et me suis préparé à faire poliment l’hypocrite attentif.
Oui, on était souvent de garde ensemble, là-haut, pas très loin des rivages de la Mer Blanche. Sergueï, il désespérait complètement de revenir un jour dans son Caucase natal, alors il avait loué une petite isba dans un village frontalier.
Tiens, tiens, que je me suis dit, soudain confus,  c’est pas le même scénario… Et j’ai réellement tendu l’oreille.
Il y ferait venir sa famille, un jour, qu’il disait… Et c’est vrai que c’était grandiose cette région, avec des forêts immenses, des loups qu'on entendait hurler aux étoiles, des rennes, des lacs tout bleus et des monts sauvages. Le camarade Sergueï était très fier de son petit chez lui et toute sa maigre solde passait dans des réparations de fortune. Il clouait des planches là, changeait des madriers là-bas, retapait le toit, refaisait les ouvertures. Tout. Et quand il m’invitait, des fois, à venir passer un moment en son royaume,  le Premier Secrétaire du Parti n’était pas son cousin !
Un jour qu’on était de repos, donc, il m’invite. Il faisait un froid à ne pas mettre un révisionniste dehors, comme il disait toujours, le camarade Sergueï, en s’esclaffant comme un perdu.
Elle était très sommaire, sa maison : deux pièces, un poêle en faïence un peu comme les tiens, là, mais beaucoup plus petit, un lit, une table et quelques chaises…
Et justement ce jour-là, de plein soleil sur un ciel glacé, Sergueï était en train de réchauffer le samovar quand le gros téléphone - obligatoire d’avoir un téléphone quand on est un militaire de garde sur une des frontières de l’empire - a sonné. C’était un chef qui appelait. Un planqué de Moscou. Sergueï s’est tout de suite mis au garde-à-vous, comme si l’autre à 1000 km de là pouvait le voir ! J’ai trouvé ça bête comme tout… Bref… Le chefaillon au bout, il s’inquiétait du temps que nous avions là.
Allô, camarade Sergueï, que j’ai entendu qu’il hurlait. Allô ? Comment ça se passe là-bas, avec ces températures, hein ? La rivière frontière est carrément gelée sans doute ! Va falloir redoubler de vigilance, camarade ! Il paraît qu’il fait moins 38° chez toi.
Non camarade, Nikolaï,  non, non, qu’il a bafouillé Sergueï. Il fait tout juste moins 15°.
Comment ça, moins 15° ?  Nos bulletins annoncent moins 38° sur la frontière.  À l’endroit précis où tu es ! Moins 38°!  Tu m’entends  ?
Si tu veux démentir, camarade, il me faut un rapport. Tout de suite ! Parce que c’est officiel : Il fait moins 38° chez toi !
Alors le Sergueï, tout penaud, il est allé se pencher sur le petit thermomètre suspendu à une cloison, il a scruté, il a tapoté dessus et il a répondu poliment au camarade chef moscovite :
-    Bon, d’accord… Mais ça doit être dehors alors… Parce que chez moi, je t'assure qu'il...
L’autre a raccroché.

7_vert

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Commentaires
M
OUI.
B
L'étiquette, c'est une petite éthique. Toute petite...
M
Je ne sais pas parler sans sentiment. Je ne sais pas parler à qui pour qui je n'ai pas de sentiment (+ ou -).<br /> Le choix de la votation politique, c'est pas une étiquette, c'est un agissement, une action.<br /> <br /> Et pis qui qu'a jamais mis d'étiquette, jette l(a première) étiquette.
B
Je suis bien votre regard.<br /> "Les polémiques, c'est stérile...Je ne suis pas d'accord, pas du tout même... On confond allègrement confrontations de convictions contradictoires et polémiques. Sur le net, beaucoup.Ce qui évite à ceux qui n'en ont pas (d'idées sensibles, je parle, hein, attention, pas de confusion)de ne pas en exposer.<br /> <br /> La polémique, c'est quand il y a brassement de sentiments de personnes. C'est une perversion du débat. Et ça n'est pas vous, quand même, qui allez prétendre - enfin prétendez ce que vous voulez ça n'est pas moi qui peut prétendre vous empêchez de prétendre - que l'histoire est pétrie par l'affrontement des idées exposées contradictoirement, parfois de façon violente.<br /> <br /> En revanche, ce qui est stérile, c'est de vouloir, comme les entomologistes avec leurs papillons et leurs chenilles, coller à tout prix une étiquette sur un sujet. Epingler, avoir des repères, jalonner sa route dans la forêt humaine.<br /> <br /> Si je devais définir d'un mot ma sensibilité,ce dont je me sens le plus proche, ce qui m'anime et, devenant prétentieux, ce dont je rêverais pour le bonheur des hommes, il me faudrait un livre pour écrire ce mot.<br /> Les entomologistes appellent ça "anarchiste".<br /> Grand bien leur fasse, l'anarchie, c'est bien connu, étant une chose bien trop sérieuse pour qu'on la confie à des anarchistes.
M
Et pour finir [ça n'en finit jamais :-)]<br /> "Autant pour moi" s'écrirait, paraît-il, "Au temps pour moi".<br /> Vous en dirai-je l'origine ? C'est un chef militaire qui remettant un homme au pas (un, deux, un, deux), lui dit "Au temps pour vous !"<br /> :-) :-) :-)
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