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¿ Les 7 mains ¿
22 mars 2009

Anthropologie comparée

Jean_claude_mini
L
a pièce baignait dans une douce lumière, éclairée seulement par quelques bougies disposées çà et là. Madame, dans un bain parfumé à la fleur de néroli, devisait mollement avec son jeune amant, Henri, qu'elle avait rencontré deux mois plus tôt lors d'une sortie à cheval. Le jeune homme, arrivé quelques minutes avant, était assis sur une chaise, près de la baignoire, aux côtés de Madame. Comme à son habitude, il portait une veste en tweed de confection anglaise et une casquette réalisée dans le même tissu. Madame avait été séduite par ce souci du détail. Henri avait un côté gentleman farmer, viril sans être bestial, élégant sans être précieux.
Clémence, la femme de chambre, fit irruption dans la salle de bain de sa maîtresse. Le jeune homme se leva d’un bond, faisant ainsi tomber sur le sol son couvre-chef qu’il avait posé sur ses genoux. La conduite familière de la soubrette l’offusquait, mais celle-ci étouffa les récriminations qui étaient sur le point de sortir de la bouche du bellâtre.
« Madame, c'est Monsieur, déclara la femme de chambre. Il arrive. Il vient de rentrer sa voiture au garage. Il sera là d'une minute à l'autre.
À ces mots, le jeune amant blêmit. Sa maîtresse l'avait pourtant assuré que jamais son mari ne rentrait sans prévenir. Pris de panique, il se précipita vers la fenêtre espérant éviter ainsi une confrontation, toujours embarrassante, avec le mari trompé. Mais Clémence le retînt par la manche et l'entraina sans ménagement hors de la salle de bain.
« Suivez-moi Monsieur Henri, vous sortirez plus facilement par la porte de service, et vous ne risquerez pas de croiser Monsieur.
Pendant ce temps, Madame, toujours dans son bain, s’efforçait d’afficher un air naturel, se préparant à l’entrée de son mari.
- Déjà de retour, mon ami ? fit-elle semblant de s’étonner lorsqu’il se présenta. Mais que me vaut le plaisir de vous voir de si bonne heure ?
- Mais notre anniversaire, ma chérie. Avez-vous donc oublié que cela fait aujourd'hui douze ans que nous sommes unis pour le meilleur et pour le pire ? J'ai pensé, qu'à cette occasion, ceci pourrait vous faire plaisir.
Tout en prononçant ces mots, il sortit de la poche de sa veste un écrin de velours dans lequel reposait une magnifique paire de boucles d'oreille dont les pierres scintillaient de mille éclats sous l'effet des flammes vacillantes des bougies.
- Des diamants, pour l'éternité de mon amour pour vous, ma chère, lui dit-il, et des rubis, pour la passion qui ne tarit pas en moi.
Éblouie par la beauté de la précieuse parure, Madame se leva, découvrant sa nudité aux yeux gourmands de Monsieur qui remerciait chaque jour le destin de lui avoir permis de croiser le chemin d'une femme aussi belle. Telle une enfant, elle se pendit au cou de son mari, heureuse du présent qu'il venait de lui faire, reléguant pour l'heure le jeune Henri aux oubliettes.
C'est alors que Monsieur, apercevant par-dessus l’épaule de sa femme le contenu de la baignoire, déclara : « Il semblerait que l’eau, contrairement à ce qu’affirme la municipalité, ne soit pas tout à fait sans impureté. »
À la surface de l'eau, flottait la casquette en tweed que le jeune amant, dans la précipitation, avait abandonnée sur le sol de la salle de bain ; casquette que Madame avait juste eu le temps de dissimuler sous son postérieur avant l'entrée de son mari, et que la paire de boucles d'oreille lui avaient fait oublier.

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Commentaires
N
Cher Apprécié,<br /> <br /> Il relève d'un esprit légèrement cavalier de ma part que d'avoir osé vous soumettre ainsi à une lecture rappelant vos récits antérieurs. Mais l'espace ainsi libéré, manière de dire, par l'évolution de votre ultime récit dominical, m'a entraîné à pondre ces quelques lignes à la manière-de et à vous adresser ce clin d'oeil qui se voulait assurément complice.<br /> <br /> Votre tout dévoué Narval.
J
Cher Narval,<br /> <br /> Je n'ai donc plus à me prêter au jeu du mélange de la fiction avec des textes qui relèvent d'autres genres comme j'ai pu le faire les dimanches précédents. Ma petite fiction sans prétention et vos savants commentaires pourraient en effet très bien s'entremêler. Laissons donc les lecteurs opérer eux-mêmes le va-et-viens entre les deux parties et savourer librement le mélange ou pas.
N
COMPARONS COMPAGNONS !<br /> <br /> L'adultère rituel a été et reste un des gros enjeux théoriques et empiriques de l'ethnologie. Ces dernières années, en particulier en France, un des points forts du débat scientifique était la caractérisation de l'adultère par un ensemble de traits plus ou moins serrés, plus ou moins larges et capables, selon les cas, de limiter ou d'étendre les référents empiriques. <br /> <br /> A trop débattre sur la présence ou l'absence de tel ou tel trait et en particulier de la dimension religieuse, elle-même associée à des définitions différentes, on risque de s'inscrire dans un processus circulaire sans fin et d'oublier de regarder « ce qui se passe » quand les gens accomplissent... ce que certains appellent (et d'autres non) un adultère.<br /> <br /> Je ne suis pas nécessairement pour l'adoption de la posture « étique » qui réserverait la mention « adultère » à un ensemble caractéristique de gestes et d'activités marqué du sceau surnaturel ou transcendant, au nom de l'autorité de « la » tradition scientifique, elle-même largement dépendante de l'usage ecclésiastique du terme.<br /> <br /> Quant à la posture « émique », elle n'est guère discriminante, toute action ou séquence d'actions pouvant pratiquement être qualifiée d'adultérine, pour marquer soit de façon neutre sa régularité, soit de façon ironique, polémique, en tout cas négative, son caractère routinier, stéréotypé, soit, de façon positive et valorisante, son caractère religieux, sacré, disons important et sérieux. (Le jeu de qualification-accusation mériterait par ailleurs une exploration ethnographique.) <br /> <br /> Ainsi, les données émiques mais aussi des ressemblances de fait se heurtent à l'utilisation trop réservée des termes « cocufiage » ou « adultère » ; d'un autre côté, l'usage tous azimuts de ces notions se heurte tout autant à l'appréciation des « natifs » et aux différences de fait entre un ensemble de phénomènes tels la messe, le match de football, le lavage de sa moto ou le baiser matinal à sa secrétaire. <br /> <br /> Faut-il alors mettre entre parenthèses la question de la définition – toujours arbitraire – de l'adultère et passer d'une situation analytique où tout est adultérin à une autre où rien n'est cocufié ?<br /> <br /> Je vous laisse répondre à la question qui nous préoccupe tant tous deux, cher Jean-Claude.<br /> <br /> A Dimanche prochain. Narval, l'ethno-pseudo.
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