Chroniques d'un super-héros, 4
Avant de raconter la suite de mon odyssée, dont le cours reprit ce jour-là à 6h46, heure de Greenwich, il faut sans doute que je me présente. Je m’appelle Patrick Platon Petrovitch et, soyons directs, je n’ai rien d’un philosophe, rien d’un grec. Je n’ai pas non plus d’ancêtres irlandais et, à ma connaissance - ma mère, n’étant pas mystérieuse, m’aurait prévenu -, aucun aïeul Russe. À mon grand regret, je dois dire, étant donnée mon admiration pour ce pays et ses artistes... Passons.
Je n’ai pas grand-chose à dire à propos de mon passé ni de ma famille. Nous incarnions les banalités d’usage et les symptômes hexagonaux d’un bonheur insatisfait. Mes parents ont quitté cette terre il y a cinq ans dans un accident automobile, et mon jeune frère, cuisinier de son état, avec lequel j’entretenais des rapports distants, soupçonneux, il y avait du Caïn là-dedans, un soupçon d’Abel, mon frère, disais-je, s’est installé en Australie. Il m’adresse parfois les photos de ses enfants par internet et, souvent en fin d’année, comme un rattrapage fraternel, m’envoie ses nouvelles recettes. Je trouve ses choix culinaires assez curieux, mais, après tout, il semble avoir du succès. Voilà pour le pedigree.
Réglé sur France info, le réveil s’est mis en branle. Un flot d’informations s’est déversé : j’avais trois quarts d’heure pour me préparer. À la verticale, silence Chapuisien. À l’horizontale, le vaste monde et ses possibilités…
Me voici donc sur le quai, à 7h42 précises, en ce deuxième jour de l’ère pétrovitchienne. Dans trois minutes, l’écran bleu clignotera, affichant « train à l’approche ». Je monterai à 7h46 dans l’avant-dernière rame, située juste en face des escalators (j’aime figurer en pole position), et voyagerai à travers la banlieue parisienne.
Compagnie : Régie Autonome des Transports Parisiens.
Destination : Gare du Nord.
Durée estimée du trajet : Vingt-deux minutes.
Conditions météos : Grisâtres.
Services à bord : Interventions musicales et campagnes humanitaires.
Cela dure depuis sept ans et, selon moi, une telle vie mérite une digression. En effet, une question se pose : « Pourquoi en suis-je arrivé là ? » À laquelle s’applique une réponse : « Parce que j’ai perdu mon Manteau ».
Non, il ne sera pas question ici de prêt-à-porter (ni de voyeurisme). Mon vêtement ne peut se remplacer : inutile de contacter les objets trouvés. J’ai perdu beaucoup d’effets dans les transports en commun mais celui-ci, vous l’avez noté, porte une majuscule et a disparu depuis longtemps. L’exposé manquerait-il de clarté ? Qu’à cela ne tienne. Effectuons une digression dans la digression, retournons au point d’origine.
(…) A suivre