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¿ Les 7 mains ¿
3 mars 2009

Quand le hasard fait bien mal les choses

Bertrand_mini
D
ans un coin pourri du pauvre Paris, sur une place, l’est un vieux bistro, tenu par un gros… Non, zut… C’est pas ça que je voulais chanter, ce matin. Raconter, je veux dire.
Mais c’est quand même dans un pauvre coin du Paris pourri et dans un vieux bistro que ça se passe, mon histoire.
Aux joyeux drilles, sur l’espèce de petite place que forment à leur jonction les trois rues, Stéphane Beau, Marc Villemain et Fabrice Lardreau, exactement. Dans le 14ème.
Le patron des lieux est un gros mec, vraiment très gros avec une bedaine qu’il faut quand même du courage pour promener tout ça en même temps avec soi et chaque jour. La couperose, tellement rose qu’elle tourne par endroits au violet, sillonne ses joues abondantes et taquine le nez, bizarrement ferme et retroussé au milieu de toute cette débauche de cholestérol. On dirait presque une enseigne de charcuterie, le gros patron. Le cheveu rare et gris est peigné loin en arrière, tablier d’un blanc approximatif, manches retroussées laissant voir de robustes avant-bras, plus velus que les pattes d’un vieux loup.
Comme tous les tenanciers de bistro du monde entier à sept heures du matin, celui-ci essuie des verres derrière son comptoir tandis que le jour se lève morose sur le petit carrefour aux noms de rues bizarres…Des noms de célébrités inconnues comme il y en a dans toutes les grandes villes. Parce qu’il y a plus de rues à baptiser que d’hommes illustres à se souvenir, sans doute. Ceci étant dit, je préfère nettement marcher dans la rue Marc Villemain, Stéphane beau ou Fabrice Lardreau, que dans la rue Adolphe Thiers, par exemple. Parce que là, au moins, je sais que je ne marche pas sur les pas d’un assassin. Enfin, je crois pas…
Mais je digresse…Je digresse. Revenons au bistro où le gros patron essuie toujours des verres derrière son comptoir et où quelques mouches vaquent à leur petit déjeuner, entre le sucrier à ciel ouvert et une tache de café oubliée sur le zinc. Deux, même, besognent à la conservation de l’espèce sur les croissants d’une corbeille en inox.
Est-ce que ça jouit, une mouche ?  s’interroge le gros patron en chassant les bestioles incongrues d’un coup de son torchon. Il n’a pas le temps de pousser plus loin ses réflexions métaphysiques car la porte s’ouvre à ce moment-là devant un homme à la démarche déjà légèrement chaloupée.
Un homme maigre, grand et osseux et qui veut un grand verre de vin blanc, aussitôt servi par le maître de céans. Je crois même, je n’en suis cependant pas absolument certain, qu’il avait saisi la bouteille de mauvais vin et le grand verre avant que le grand maigre n’ait fini de formuler sa commande.
Ce maigre, qui paraît encore plus maigre qu’il n’est sans doute face à l’insolent volume du propriétaire, sirote la première lampée de son poison en allumant une cigarette. Ses yeux sont bleus et il flotte comme un brouillard sur la paupière alourdie. Il se retourne, il lève le doigt vers la rue et dit que c’est mort, le quartier, ce matin !  Le patron grommelle un vague borborygme et donne derechef un coup de torchon sur les deux mouches lubriques, revenues faire leurs saloperies sur les croissants. Ce faisant, il se demande une nouvelle fois si une mouche ça a des… Mais un autre homme pousse la porte à ce moment, l’obligeant encore à remettre à plus tard ses considérations d’anthropomorphisme fantasmé.
Le nouveau venu tousse, éternue, dit salut la compagnie, veut rajouter quelque chose, mais déjà son demi est servi, abondamment moussu.
Les deux hommes au comptoir se lorgnent, s’apprivoisent du regard. Et le premier répète que le quartier est mort, ce matin, et l’autre acquiesce que c’est bien vrai ça. Que chez lui, à Périgueux, c’est plus vivant que ça… Même à sept heures du matin… Il tousse encore et dit sale temps et ville pourrie.
À Périgueux ? qu’il s’étonne l’autre avec son verre de blanc et une petite voix de crécerelle très haut perchée, un peu comme Coluche quand il dit « un nouvel Omo ? » (Vous voyez mieux comme ça, derrière votre écran, ce que ça peut donner. ) À Périgueux ? Mais, c’est que moi aussi, je suis de Périgueux ! De Périgueux ? Ben ça alors, quel hasard ! qu’il s’enthousiasme, l’homme enrhumé et au demi. On prend un autre verre alors, entre Périgourdins ?
Je suis étonné, moi,  de la vélocité du gros patron… Les deux verres sont à nouveau remplis comme par enchantement et quasiment avant la fin de la phrase.
Ah Périgueux, Périgueux ! et les yeux bleus de l’homme maigrichon semblent chercher beaucoup plus loin que l’étroitesse obscure du bistro. Mais... Mais quel quartier ?
J’habitais quartier des sept mains, monsieur ! Au Nord de la ville. Quartier des sept mains ? Mais... Mais c’est pas dieu  possible ! C’est de là que je viens aussi… J’y suis né.
Moi aussi... Patron, remettez-nous ça, nom d’un chien ! Ha ben ça alors ! Quel hasard ! On est pas vendredi 13 pourtant ! Et… ? Quelle rue, vous voulez dire ? Rue Emmanuelle Urien !  Non ! ? ! Si ! ! C’est ma rue… Ben merde alors ! Patron, une autre ! Faut arroser ça !
Les deux gars sont aux anges. Même ville, même quartier, même rue et ils sont chancelants de stupeur, entre autres, quand leur institutrice du cours préparatoire s’avère avoir été la même, Claire Le Cam, et même que le mercredi, ils allaient jouer sur le même terrain vague, au bout de l’avenue Jean-Claude Lalumière… Et à chaque découverte, un demi, un blanc, un blanc, un demi et fant’ punaise, quelle chance on a ce matin, et l’autre mafflu qui est impassible, qui essuie toujours ses verres, complètement indifférent au bonheur de ces deux-là, désarçonnés, entre autres,  par le hasard de leurs si communes origines et qui… Et les voilà prêts à s’étouffer, bouche bée, quand ils s’aperçoivent que ni l’un, ni l’autre n’a jamais entendu parler à Périgueux d’un certain Bertrand Redonnet.
Les deux compères titubant, entre autres, sous les effets de la bonne humeur et de la stupéfaction s’en vont, riant, se flagornant et se tapant sur l’épaule et se disant, se braillant plus exactement, que bon dieu, faudra se revoir, entre gars du pays, quand rentre monsieur Augures, le tripier du bout de la rue, qui se frotte les mains, et qui voit son café servi avant même d’avoir ouvert la bouche pour demander :
- Alors, quoi de neuf c’matin, patron ?
- Ah, rien de neuf, Gustave, rien de neuf... Comme d’habitude… Les jumeaux sont bourrés !

7_rouge_vif

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Commentaires
M
(Foutre)"la télé au bourrier", y a un sacré personnage qui l'a fait. L'avait du caractère la dame...y en a un qu'a pas demandé son reste.
B
C'est ça même ! Jacques Virenque ! Avec une drôle de chemise à pois roses comme je ne sais plus quel magasin !<br /> Oui, faut faire attention à c'quon dit...On est en public...Pas confondre des noms et compromettre ainsi des moralités...<br /> Une fois, comme ça, j'avais dit qu'Amstrong c'était un gars dans la lune qui s'était fait opérer des burnes et qui jouait de la trompette sur un vélo et j'ai bien failli m'attirer les foudres d'un procès !<br /> Depuis, calme, pondération, tout vérifier avant de publier.<br /> Là, donc, je suis sûr de moi : c'était bien ce corniaud de Jacques Virenque. Merci.
N
Voilà Bertrand, je me souviens maintenant, Jacques Virenque, et il a rajouté la formule "à l'insu de mon plein gré", oui voilà, j'ai été corrompu à l'insu de mon plein gré, oui Jacques Virenque l'ancien Maire de Paris à ne pas confondre avec Roger Chirac de la Tricheuse des Jeux, le coureur cycliste 2 fois vainqueur du Critérium de France, sponsorisé par le Fromage, moulé à la louche, Président.<br /> <br /> Sportivement. Narval
B
"abracadabrantesque" ? Oui, je me souviens mais je me souviens plus du mec qui avait éructé le mot, moi non plus...Un gars qu'on avait pris la main dans le sac, ça je me souviens, et qui niait en même temps le sac et la main...<br /> abracadabrantesque, c'est ça que ça veut dire depuis, chez les simiesques de l'Académie : nier l'évidence.
N
Débla,<br /> je vous avais averti que ce sont des jeux sans queue ni tête, comme ça pour jouer des mots et des lettres.<br /> <br /> Non, je ne suis pas un des 7, mon pseudo Narval me permet simplement d'écrire plus librement sans être précédé d'un sens que mon patronyme donnerait immanquablement à mes com's.<br /> <br /> Je trouve l'idée de ces 7 mains revigorante pour les passionnés de littérature mouvante et bourgeonnante en ce nouveau printemps littéraire, c'est une voie à copier pour rendre le net littéraire francophone plus attrayant.<br /> <br /> Littérature quand tu nous tiens...Narval
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